Alimentation, Bio

Pourquoi et comment le consommateur a un des plus gros rôles à jouer pour aider les agriculteurs ?

Régulièrement, je reçois les dossiers de presse qui vont avec les films que je vois en avant-première, et ce fut le cas avec le film Au Nom de la Terre dans lequel le réalisateur Edouard Bergeon raconte son enfance à travers la vie de son père agriculteur.

Au delà du fait que le film soit formidable et qu’il faut absolument le voir, à la fin du dossier de presse il fait une mise au point sur les coulisses de l’agriculture depuis 40 ans et sur ce que nous avons en notre possession pour changer les choses en tant que consommateur.

Il m’a semblé important de vous le retranscrire ici notamment pour ceux qui ne sont pas encore convaincus qu’il faille soutenir l’agriculture biologique.
A lire jusqu’au bout, et pour les plus paresseux le dernier paragraphe devrait vous motiver à aller vers la permaculture, l’agroforesterie et le bio :

Mais « le consommateur est-il près à mettre un peu plus d’argent pour manger mieux ? Et vivre mieux ? Ce serait une bonne chose : bien se nourrir  représente aussi des économies de santé publique.  »

QUELQUES REPÈRES SUR LA CRISE AGRICOLE DE 1979 À NOS JOURS PAR EDOUARD BERGEON 1979, la fin de l’âge d’or de l’agriculture…

« 1979. Les Trente Glorieuses, durant lesquelles les agriculteurs ont gagné de l’argent, touchent à leur terme. La plupart des paysans ont pu acquérir de nouvelles terres – certains se sont même fait construire des pavillons. Ils ont réussi à capitaliser. Leur vie, alors, est simple : ils élèvent leurs animaux, les vendent au marché local, et empochent l’argent.

A l’époque, ils ont des commis – une main d’œuvre bon marché – et travaillent sur des structures dix fois plus petites que celles que cultiveront leurs enfants. Ils n’ont aucun souci administratif majeur. Leur comptabilité est simplissime. Pour un très court moment, ce seront encore les années de l’insouciance et du plein emploi.»

Début 1990, le début de la mondialisation et les variables d’ajustement…

« Avec la mondialisation, sont arrivés les accords de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), la réforme de la PAC (Politique Agricole Commune)… Des directives dictent désormais aux agriculteurs ce qu’ils doivent produire. Les denrées agricoles s’échangent sur le marché mondial, au cours mondial, et l’Union Européenne « compense » la baisse de revenu des agriculteurs par un régime d’aides calculé à l’hectare et par production. On leur alloue des indemnités compensatoires. Il s’agit de baisser les prix pour que les consommateurs puissent acheter moins cher.

 

Pour s’en sortir, dans le modèle de l’époque, les exploitants agricoles n’ont pas d’autre solution que d’investir pour s’agrandir en faisant des économies d’échelle : tout est multiplié par dix – les animaux, les cultures, les bâtiments… Sauf qu’au moindre problème – des cours qui baissent trop, une année de sècheresse, un incendie, ou tout en même temps – tout s’écroule.

Parallèlement, et tandis qu’ils sont obligés d’acheter du matériel de plus en plus sophistiqué, ils n’ont plus les moyens de se payer des employés – trop chers- et ne travaillent plus qu’avec seulement un ou deux ouvriers.
La plupart ne gagnent plus d’argent et travaillent même souvent à perte. Or, il n’y a que dans l’agriculture que vendre à perte est autorisé. »

L’ « intégration » dans l’élevage industriel : un contrat vicié entre l’exploitant et les firmes agricoles

«  Les firmes agricoles fournissent tout – matériel, animaux et nourriture –, mais sont seules habilitées à fixer le prix de vente des bêtes.

L’exploitant, lui, paie le bâtiment, les assurances, l’eau et les produits vétérinaires. Et prend le risque de produire à perte ou de perdre 20% ou plus de sa production en cas d’épidémie. Il a également la responsabilité de respecter les normes sanitaires et environnementales qui ne font que croître et coûtent de plus en plus cher… »

Exploitants, les arroseurs arrosés

«  Après guerre, les exploitants ont choisi d’adhérer à des coopératives car ils pensaient qu’en se regroupant ainsi, ils allaient gagner plus d’argent. Ils l’ont fait avec d’autant plus d’allant, qu’au commencement, ils en étaient les sociétaires !

Puis des gens d’HEC sont arrivés et, d’assemblée générale en assemblée générale, ils ont perdu le pouvoir : ils se sont laissés faire. Ce ne sont plus les agriculteurs qui fixent les cours aujourd’hui, c’est la bourse du blé à Chicago, l’Union Européenne, les grands accords géostratégiques. On vend du lait contre des crevettes ou des Rafale. C’est la finance qui gouverne. »

Du statut de paysan à celui d’entrepreneur

«  Dès le début des années 1990, les exploitants agricoles sont considérés comme des «  agri managers ». Bruxelles et la bourse de Chicago sont passés par là. Il leur faut désormais jongler avec la paperasse, l’administratif et les chiffres, la bourse, les normes. S’ils ne le font pas, ils signent leur arrêt de mort. D’où la nécessité, dans les fermes, d’avoir un bureau bien tenu dans la ferme, avec un ordinateur pour la comptabilité. »

De l’engrenage de l’élevage aux hormones et des pesticides : nos grands-parents ne savaient pas…


«  Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, les cultivateurs ignoraient tout des dangers représentés par les antibiotiques, les traitements aux hormones et les pesticides. Monsanto et les autres firmes vendaient ces derniers comme des « médicaments pour les plantes ».

Aujourd’hui, avec le mariage avec Bayer, ils commercialisent aussi les médicaments destinés à soigner les cancers résultant de leur utilisation. La même entreprise ! C’est cynique mais c’est vrai…
Nos grands-parents affirment souvent que l’agriculture de leur époque était géniale : non, elle ne l’était pas : ce sont eux qui ont introduit la chimie et la mécanisation. Mais c’est comme pour le tabac, ils ne savaient pas que ça tuait !

Pour autant nous allons consommer en Europe (si le nouvel accord commercial avec l’Amérique est signé) de la viande piquée aux hormones, interdite en Europe depuis des années et toujours autorisée au Canada, USA et surtout en Amérique latine (la fameuse viande argentine servie dans les restaurants chics des grandes villes !) »

Vingt ans pour tout changer

«  Après des années passées à entraîner les agriculteurs à produire ce que nous mangeons aujourd’hui, le consommateur s’interroge désormais sur ce qu’il y a dans son assiette, la manière dont c’est produit et d’où ça vient.

Il a suivi les scandales sanitaires de la viande de cheval qui transitait par plusieurs pays avant d’être transformée en plats préparés, et ceux les poulets à la dioxine, il a vécu la crise de la vache folle, et connaît les dangers liés aux pesticides (le glyphosate de Monsanto), aux perturbateurs endocriniens, à la disparition des insectes et à la pollution de l’eau…

Il prend conscience que sa santé est en danger s’il ne revient pas aux fondamentaux : manger moins mais mieux, acheter local, des produits fermiers, bio, de saison. Ce changement est non seulement salvateur pour lui. Il l’est pour les paysans, pour la planète et donc pour l’humanité. Mais si l’on n’amorce pas cette transition écologique rapidement, la planète toute entière et l’espèce humaine sont menacées. On a vingt ans pour tout changer. »

Non à la chimie

« Le défi du futur est de transformer les deux formes d’agricultures que nous connaissons – l’une petite, directe avec des maraichages destinés aux locaux et aux nantis, et l’autre, composée de très grosses structures et qui vont encore grossir – en abandonnant la chimie. Il est anormal que la France soit la championne d’Europe de l’épandage de pesticide !

Mais pour cela, il faut du temps, de la volonté, et de la politique. La conversion des terres en bio provoque immanquablement une baisse de revenus pendant quelques années : le faire nécessite de la solidarité et des aides ; or les aides sont bloquées sous prétexte qu’il y aurait trop de conversions…

Au final, la clé est dans les mains du consommateur. C’est à lui de décider s’il veut maîtriser ce qu’il a dans son assiette, en faisant vivre les paysans français ou en important des denrées peu chères et potentiellement dangereuses pour la santé. »

Il faut croire en l’avenir

« Il faut croire en une agriculture plus vertueuse en plaçant cette fois l’homme et l’écologie au centre des problématiques.

Il faut aller vers la permaculture, l’agroforesterie, le bio. Et il faut changer nos pratiques. Au sortir de la guerre, les ménages consacraient 50% de leur budget à la nourriture. Ils n’en consacrent plus que 11%.

Le consommateur est-il près à mettre un peu plus d’argent pour manger mieux ? Et vivre mieux ? Ce serait une bonne chose : bien se nourrir  représente aussi des économies de santé publique. »

Si j’étais ministre…

« Il faut aussi éduquer nos enfants. Si j’étais Ministre de l’Education, j’installerais des potagers dans toutes les écoles parce qu’autour de cela, on apprend tout – les fruits et légumes de saison, la biologie, la phytotechnie, la géologie, la météo, la cuisine…

Les travaux pratiques, c’est le B.A.-BA. Les enfants de toutes origines culturelles mettraient les mains dans la terre ensemble, pour faire pousser leur nourriture. Il n’y a rien de plus fédérateur et valorisant que la terre.

Mais la première réforme que je conduirais serait de rapatrier l’enseignement de l’agriculture dans mon ministère.

Cet enseignement dépend aujourd’hui du Ministère de l’Agriculture, donc des lobbys et de la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitations Agricoles).
C’est comme si les médecins étaient formés par le Ministère de la Santé et les laboratoires ! »

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